Ouvrir les données c’est créer de la valeur autrement

Stéphan Minard est responsable du développement des activités numériques de Precom, régie publicitaire du groupe Ouest France. Il dirige centraledesmarches.com, service lancé au mois de mai qui met à disposition des entreprises des informations relatives aux marchés publics et privés. Entre nouvelles compétences et cannibalisation de l’ancien modèle, c’est la mutation de la presse du papier au numérique que cette initiative illustre.

Vous venez de lancer un nouveau service qui s’appuie sur l’ouverture de certaines données liées à la commande publique , centraledesmarches.com, en quoi consiste ce service ?

Il s’agit d’un service de veille et de détection d’opportunités d’affaires à destination des petites et moyennes entreprises. Il permet d’agglomérer tous les marchés publics de France et de les mettre à disposition facilement.

Egalement, nous proposons un service d’accompagnement aux entreprises pour qu’elles maximisent leur chance de gagner, en leur donnant d’autres informations, contextuelles par exemple.

Enfin, nous pouvons donner accès à un annuaire des acheteurs publics construit sur la base des publications de marchés publics.

Au-delà de ces services de veille nous travaillons sur la mise en œuvre d’un service d’anticipation de la publication de ces marchés. En analysant les signaux faibles (coupures de presse, compte-rendu de conseil municipaux, …) nous sommes en situation de prévoir la publication des marchés publics.

Quel est le modèle économique de ce service ?

Concernant les revenus, nous avons un modèle freemium : l’accès est gratuit aux marchés publics et nous offrons des services payants par abonnement (alertes, recherche multi-critères, gestion des historiques). Egalement, nous proposons les deux services que j’ai mentionnés : la veille de publications de marchés et l’accompagnement aux entreprises. Enfin, nous envisageons de vendre des services de fournitures de données de marchés publics croisées avec d’autres données.

Concernant les coûts, les données sont accessibles gratuitement, elles sont collectées sur des portails des sites de collectivités et des journaux d’annonces légales. Elles sont accessibles gratuitement mais elles sont peu réutilisables aujourd’hui. Nous avons des coûts importants de collecte et de traitement de ces données.

Cela va sûrement évoluer prochainement et les données seront de plus en plus accessibles gratuitement sous un format réutilisable. Nous souhaitons nous inscrire dans le mouvement Open Data et encourager l’ouverture des données publiques. La valeur que nous créons ne provient en effet pas de la collecte des données mais des traitements que nous y apportons.

Nous construisons de la valeur avec les algorithmes et nos outils prédictifs : savoir qu’un marché va être renouvelé, savoir qui a obtenu un marché. Ce sont ces informations qui ont de la valeur pour nos clients.

Vous appartenez à un groupe de presse, Ouest France, dont une partie de l’économie se fonde sur la vente de ces informations dans ses journaux, comment se justifie ce qui peut apparaître comme une cannibalisation du business model de la presse ?

Ce que nous faisons s’inscrit dans la mutation plus générale des acteurs de presse du papier vers le numérique. Le support papier est toujours le support obligatoire de diffusion des annonces de marchés publics. Il est certain qu’à terme cette contrainte sera levée. Nous positionner sur le numérique est donc une façon d’anticiper cette évolution pour prendre une position.

Avec le numérique, le modèle s’inverse : dans le modèle papier, c’est l’acheteur public qui paie le journal pour insérer une annonce alors que dans le modèle numérique on vend des services à l’utilisateur final, à celui qui lit l’annonce.

C’est une évolution économique et culturelle très importante et notre enjeu est de gérer cette mutation. Fort de l’historique du passage au digital des petites annonces et conscient du contexte général affectant les médias nous sommes désormais en position de faire comprendre en interne la partie qui risque de se jouer.

Cependant, il est clair qu’à court terme, cette initiative vient cannibaliser une partie de la valeur liée à l’activité papier du journal. On est à ce moment délicat de bascule d’un modèle vers un autre où il faut à la fois poursuivre les activités du modèle préexistant et allouer des ressources au développement d’une nouvelle activité. C’est compliqué car les cycles de ventes sont différents, les clients sont inversés et les compétences requises ne sont pas les mêmes.

Avec les données, notre position d’intermédiaire entre acheteurs et vendeurs s’affirme. On voit bien la valeur d’information pour un prestataire des publications de marchés publics. On voit aussi se dessiner une valeur du côté des acheteurs publics : être plus visible et plus crédible en tant qu’acheteur est une façon d’attirer les meilleurs prestataires. Egalement rationaliser ses achats et pouvoir par exemple se rassembler avec plusieurs acheteurs d’une même prestation pour grouper des achats est une proposition de valeur forte.

Les données que vous utilisez sont à disposition d’autres acteurs et les compétences en matière de Big Data et de traitements de données sont aussi mobilisables par d’autres, les concurrents actuels ou potentiels doivent être nombreux, quelles sont les compétences distinctives qui permettent de créer de la valeur avec des données ouvertes ?

L’aspect technique est l’une de ces compétences clés, c’est évident. Ca a l’air simple quand on le présente brièvement mais la mise en œuvre est plus complexe qu’il n’y parait. Maîtriser la technique est certainement un avantage concurrentiel. Un avantage qui demande à être constamment remis en question et qui reste limité dans le temps.

Au-delà des considérations technologiques, c’est l’aspect métier qui est fondamental , savoir faire parler les données et produire un service pertinent pour les clients. Pour y parvenir il faut certes des compétences analytiques et algorithmiques mais avant tout connaître les problèmatiques et les enjeux des clients de notre plateforme : les acteurs de la commande publique et les entreprises.

C’est parce que nous sommes au contact de nos clients que nous sommes aujourd’hui capables de construire des services à forte valeur ajoutée qui nous différencient sur le secteur de la veille de marchés publics.

Photo : MyEyesSees

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Stéphan Minard

À propos de Stéphan Minard

Stephan Minard est responsable du développement des activités numériques de Precom, régie publicitaire du groupe Ouest France. Il dirige centraledesmarches.com qui met à disposition des entreprises des informations relatives aux marchés publics et privés.

Louis-David Benyayer

À propos de Louis-David Benyayer

Entrepreneur / consultant / chercheur / enseignant, Louis-David Benyayer est passionné par l'innovation, la stratégie, les modèles économiques et l'entrepreneuriat.

One thought on “Ouvrir les données c’est créer de la valeur autrement

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