Le design industriel est mort

En préparation de la journée Design au Proto204 du 25 septembre, nous interrogeons des acteurs du design. Dominique Sciamma (directeur de l’école de design Strate College) nous donne son point de vue, autour des questions d’enseignement du design et de lien avec la recherche.

Vous dirigez un établissement chargé de former de futurs designers, quels sont les enjeux associés à l’enseignement du design ?

Les enjeux de l’enseignement du design sont de former des femmes et des hommes capables d’apporter de la simplicité, de la justesse et de la beauté dans un monde de plus en plus complexe.

Cette question doit de notre point de vue être reliée, sinon confondue avec celle de la question des évolutions de l’enseignement du design.

Très bien, quelles sont ces évolutions ?

L’enseignement du design est en évolution permanente, parce qu’il est toujours en phase avec les grands changements de la société (quand il ne les anticipe pas), société que les designers sont sensés produire et servir. C’est plus que jamais vrai aujourd’hui.

Le design industriel est mort, ou n’est en tout cas qu’un secteur d’activité du design, d’une certaine manière mineur. Le monde dans et pour lequel travaillent les designers est plein de nouveaux défis sociaux, sociétaux, environnementaux, éthiques, politiques.

Un monde où le projet de l’émancipation humaine doit être réinventé, et non pas oublié, et accordé avec des impératifs de réussite collective. C’est aussi un monde où la technologie a pris une place énorme, modifiant comme jamais la vie quotidienne de milliards de personnes. Voila le monde auquel nous devons préparer les futurs designers !

Il s’ensuit qu’une approche multidisciplinaire est plus que jamais nécessaire, que les sciences humaines doivent voir leur place encore grandir dans les cursus. Il faut aussi donner aux designers la capacité à lire, analyser, représenter et exploiter la complexité. Il faut leur donner les moyens de comprendre et d’anticiper les évolutions, exponentielles, des technologies, qui passent de plus en plus vite des labos de recherche au marché.

La capacité à donner du sens à tout ceci est évidemment stratégique. Les sciences humaines et sociales, nous l’avons dit, ont un rôle croissant à jouer dans cette démarche, et une forme de culture politique, aussi sans aucun doute.

Nous pensons, au bout du compte, que les écoles de design ont vocation a prendre le leadership de l’éducation au XXIème siècle.

Nous pensons, au bout du compte, que les écoles de design ont vocation a prendre le leadership de l’éducation au XXIème siècle.

Quelles sont les passerelles possibles entre design et recherche ?

Avant même de parler de passerelles entre design et recherche, il serait déjà bon de parler de recherche en design en France !

Notre pays est en effet un des seuls à ne pas considérer le design comme une discipline de recherche. Les pays anglo-saxons, pragmatiques comme ils le sont, ne se posent pas les questions de légitimité scientifique, comme les académiques notre pays, quand même un peu imbus d’eux-mêmes.

Il s’ensuit que nous sommes, nous français, absents d’une communauté de recherche mondiale importante et féconde, et qui existe depuis des dizaines d’années ! Une communauté à l’origine d’avancées majeures dans de nombreux secteurs de l’innovation, de la recherche critique ou des sciences humaines.

Il est plus que temps que nous la rejoignions enfin, parce que les designers français ont quelque chose de spécifique à dire et à apporter. La première des choses à faire serait de créer un code du CNU (Conseil National des Universités) propre au design, afin que des thèses puissent être effectuées dans le domaine sans avoir à se cacher derrière des disciplines de camouflages.

En matière de passerelle maintenant, il nous apparait évident que si le design a besoin de recherche, la recherche a besoin des designers !

il nous apparait évident que si le design a besoin de recherche, la recherche a besoin des designers !

Apprendre, enseigner, chercher : toutes ses démarches sont en train de se réinventer grâce aux nouvelles technologies. Des approches plus collaboratives, horizontales, ludiques peuvent et doivent être mises en oeuvre pour  produire du savoir, de la science. Pour une grande part, c’est le principe de « learning by doing » qui est de plus en plus mis en œuvre.

C’est aussi une approche résolument pluri-disciplinaire qui doit s’imposer, là où hier les territoires étaient farouchement protégés, et où les disciplines ne se parlaient pas, quand elles ne s’ignoraient pas. Or, les écoles de design mettent en œuvre ces principes pédagogiques depuis … toujours !

Apprendre en faisant, invoquer toutes les disciplines, collaborer est le quotidien des designers. C’est à ce titre que l’intégration de designers dans les équipes de recherche est un moyen simple et imparable de faire naitre du neuf, et de chercher différemment.

Les écoles de design ont, dans ces deux aspects, un rôle éminent et moteur à jouer. Elles doivent, sans crainte et de manière volontaire, s’imposer dans ces territoires.

Rendez-vous le 25 septembre pour prolonger la discussion avec Dominique Sciamma et découvrir les points de vue des autres participants à cette journée.

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Emmanuel Thouan

À propos de Emmanuel Thouan

Entrepreneur / designer, il a fondé Dicidesign, agence de design spécialisée pour les PME.

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